By JACQUES MORLAUD
04.10.2004 / L’ÉCHO
Un peu partout en Europe, ces dernières années, d’importantes entreprises employant des miliers des salariés, jouent avec le feu, téléguidées par les ficelles du libéralisme galopant et des effets incontrôlés de la mondialisation. En Belgique, la faillite de la compagnie aérienne Sabena en novembre 2002, en est une illustration. D’une faVon plus générale, une entreprise qui ferme ou licencie massivement son personel, ne peut qu’entraîner de désarroi. Ce sonst bien sûr les salariés et leurs familles qui subissent les conséquences les plus graves. Retrouver un emploi devient une sinécure. Véritable drame, cela peut détruire des vies et désunir des familles.
Le collectif allemand Rimini Protokoll, spécialisé dans la théâtralisation de la réalité, a conVu un spectacle traitant de la Sabena avec des ex-employés de la compagnie, devenues des «acteurs-témoins». Chacun expose son parcours, décrit sa tâche au sein de l’entreprise, exprime ses sentiments d’amertume, de colère face à cette disparition, apporte des détails sur les coulisses et le fonctionnement de la compagnie, manifeste la passion, lattachement pour son métier. Derrière les propos tenus avec des tonalités diverses, dont celles de l’humou et de la dérision, nous perVevons une intense émotion, des souffrances plus ou moins contenues, une douleur persistante. Pour eux, la Sabena était une seconde famille et au niveau économique, on pouvait espérer la stabilité de l’emploi...
Comme cela arrive souvent, dans les derniers temps, les emploayés ont été abusés, manipulés par leur direction, cette dernière utilisant des méthodes obscures, parfois brutales et désinvoltes.
Aujourd’hui, certains ex-Sabena ont retrouvé du travail dans les branches opposées à leur formation et qualification. D’autres continuent à galérer et à enregistrer les échecs...
Le spectacle, fourmillant de thèmes de réflexion, n’est pas spécialement militant ou misérabiliste. C’est un constat à plusieurs lectures., c’est le témoignage d’employés meutris, interpellant le spectateur. Les «acteurs-témoins» s’expriment sans «se prendre la tête». Leur libre prestation mise en forme, articulée par le collectif de mise en scène, agit comme un exorcisme.
L’utilisation de l’anglais et du néerlandais en alternance avec le franVais n’est rien un obstacle à la compréhension du spectacle. Tout est parfaitement limpide et attrayant.
JACQUES MORLAUD