Tentative de portrait d'une ville, histoires intimes

Von Olga Bibiloni

02.07.2017 / LaProvence

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Est-ce un spectacle? Pas vraiment. Plutôt un drôle d'objet, une oeuvre inclassable que ce 100% Marseille, dévoilé vendredi soir à La Criée dans la programmation du Festival de Marseille et joué ce dimanche encore. Etrange objet donc, et très intéressant. Orchestré par le collectif Rimini Protokoll, mis en scène par Stéfan Kaegi et Daniel Wetzel, 100 % Marseille est avant tout un "casting" dont s'est chargée Claire Oberlin. Un échantillon représentatif comme disent les sondages en période électorale.

Tous, les cent personnes sur le grand plateau de La Criée (on devine quel effet cela produit de fouler la même scène que les artistes professionnels), sont des anonymes qui pèsent peu et pourtant signifient beaucoup dans le grand puzzle commun que composent les habitants de notre ville. On est dans le théâtre documentaire, dans l'enquête sociologique, dans l'approche sociodémographique. Va-t-on voir se dessiner sur le plateau les fractures visibles dans Marseille (Nord/Sud notamment), les relations très méditerranéennes et parfois tendues entre hommes et femmes, le rapport souvent tissé d'incompréhensions partagées entre Marseillais depuis X générations et enfants d'immigrés ? La passion pour le foot et l'OM transparaîtra-t-elle ? On se pose toutes ces questions en s'installant dans la salle du grand théâtre de La Criée, persuadé que l'on est de participer à une expérience. Et magie, si expérience il y a, elle est surtout humaine.
Roman commun, histoires personnelles

Lorsque, l'un après l'autre, arrivent les Marseillais, l'un adoubant le suivant, on s'attache à cerner les personnalités, certaines aimantant le regard et l'intérêt plus que d'autres : la sociologue Dominique Chiarini qui introduit le propos, Charlotte D'Anna, qui refuse l'uniforme que s'imposent les ados, le CGTiste Patrick Maillard, le Palestinien né en Syrie Basel Abou Hamed qui a obtenu la nationalité française, Taï-Ji Perez, jeune Franco-Japonais portant un nom espagnol qui en a marre de se faire désigner par "Le Chinois", Xavier Grima, l'agent immobilier qui fait la fête jusque tard dans la nuit. Ainsi que Danielle Bonelli du groupe Les Girelles des Goudes, la formidable combattante pour les Droits des femmes Daniela Levy (qui se pointe sur scène avec un clitoris en 3D), l'amoureux de L'Estaque Alain Matacchione, venu avec son "padre" Raphaël qui aurait pu jouer dans un film des frères Taviani...

Où sont-ils nés ? Quelle langue parlent-ils chez eux ? Sont-ils pour la peine de mort ? Se déclarent-ils homosexuels ? Trouvent-ils parfois légitime d'être raciste à Marseille ? Sont-ils pour la légalisation du cannabis ? "La ville porte le poids des images que le monde s'en est fait", explique l'anthropologue et sociologue Michel Peraldi. Cet échantillon, qui compte trois sans-papiers parmi les quatre personnes qui ont participé au projet mais ne sont pas sur scène, est-il vraiment représentatif ? Au-delà de la répartition hommes/femmes (Marseille compte 53% de femmes), des lieux de naissance (1% en Asie, 1% en Europe du Nord, 1% en Europe de l'Est, 2% en Europe du Sud, 5% en Afrique subsaharienne, 9% en Afrique du Nord, 81% en France), des structures familiales représentées, jusqu'à quel point l'est-il ?

Politiquement, on note que ces "Cent" apparaissent nettement plus tendance gaucho que Front national alors que Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen sont arrivés en tête et au coude à coude lors de la dernière présidentielle (24,82% et 23,66%). Ou encore, que seuls trois d'entre eux assument un vote Gaudin aux municipales de 2014, alors que le maire a été réélu sans difficulté. Peu importe en fait. S'ils ne dressent pas "LE" portrait de Marseille, incontestable et définitif, leur lecture de la ville a des accents de vérité, à la fois collective et à taille humaine. Et surtout, au gré des petites phrases jetées au mistral, des aveux furtifs et des confessions plus inattendues (sur un passage en prison, l'espérance de vie estimée, le souhait de voir mourir quelqu'un de sa famille, etc.), se révèle l'intime.

 

 

 


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100% Marseille