Le drôle de théâtre d’un échantillon statistique

Von Ariane Gigon

20.10.2012 / La Liberté Magazine

Outre-Sarine. La troupe Rimini Protokoll incarne les différentes populations de la ville de Zurich en 100 personnages.

Les lumières s’éteignent. «Qui a déjà trompé son partenaire?» demande une voix. Dans le noir, le groupe de 100 personnes se divise. Certains vont dans la partie de la scène intitulée «moi», d’autres choisissent le côté «moi pas». Ils portent une lampe de poche et la proportion des uns et des autres devient ainsi visible. C’est l’un des moments forts de «100% Zurich – une réaction en chaîne statistique», la dernière création de la troupe Rimini Protokoll, «troupe de théâtre documentaire», comme elle est parfois nommée, présentée sur la scène de la Gessnerallee à Zurich.

Depuis plus d’une décennie, les trois membres de Rimini Protokoll, deux Allemands et un Suisse, lancent des projets originaux dans le monde entier, comme «Prométhée à Athènes», avec 103 habitants, ou l’interprétation du «Capital» de Karl Marx, à la radio, en 2007.

Avec leur «réaction en chaîne statistique» (et les personnes sur scène font effectivement la farandole), les questions, les petits exposés des personnages, les scènes où ils portent des panneaux colorés identifiant des catégories donnent de la chair aux colonnes, diagrammes et autres «tranches de gâteaux» qui servent en temps normal à illustrer de froides statistiques.

Les 100 personnes retenues sont de «vrais» habitants de la ville incarnant au total 3900 Zurichois ayant le même profil – âge, sexe, nationalité, type d’occupation, état civil ou quartier choisi. Simone Nuber, directrice de l’Office des statistiques de la ville, s’est prêtée au jeu, puisqu’elle fait partie des 100 «acteurs». Mais elle a surtout préparé le casting: sur cent personnes équivalant à 100% des Zurichois (390802 personnes à fin 2011), il fallait trouver 6 enfants de moins de 6 ans (représentant donc 6% de la population), 16 seniors de plus de 65 ans, 1 personne habitant le premier arrondissement de la ville, 8 résidant dans le «Kreis 2», 9 divorcés, 5 personnes mariées, etc.

Toutes ces catégories prennent vie au gré des questions retentissant sur scène. «Qui gagne un gros salaire?», «qui est au chômage?», «qui prend les transports publics sans payer?» «qui a déjà sauvé une vie?», ou encore «qui a un piercing dans une partie intime de son corps?» Les spectateurs rient, s’étonnent, suivent les mouvements se déroulant sur fond de musique (en dialecte) et peuvent aussi poser leurs propres questions, qui ne figurent pas forcément au registre des statistiques officielles…

Ce «cours de démographie créative», comme l’a joliment qualifié la «NZZ am Sonntag», sera présenté encore six fois jusqu’à la fin du mois.


Projekte

100% Zürich