THEATRE. Invité cet été, le «Rimini Protokoll» présente à Zurich son théâtre documentaire.

Une Suisse miniature au Festival d'Avignon

Von Anne Fournier

30.03.2006 / Le Temps

Leur credo est un théâtre documentaire. Ils ne sont pas entourés de comédiens mais d'acteurs de la vie: une patiente qui a subi une transplantation du cœur, un pilote victime de la faillite de Sabena ou un jeune entrepreneur organisateur de rencontres pour célibataires.
Le groupe germano-suisse «Rimini Protokoll» multiplie les expériences de ce théâtre du quotidien, laboratoire ou observatoire des comportements sociaux. Cet été, l'un de ses trois piliers, le Soleurois Stefan Kaegi, sera à l'affiche du programme officiel du Festival d'Avignon avec Mnemopark, un voyage ferroviaire filmé à travers une Suisse des labels et des mythes en modèle réduit (1: 87) créée sur scène par quatre retraités. Et qui fut présenté en 2005 au Théâtre de Bâle.
Vendredi soir, c'est avec une production baptisée Blaiberg und Sweetheart19 que «Rimini Protokoll» est attendu au Schauspielhaus de Zurich. On y parle beaucoup de transplantations du cœur mais le thème n'a rien à voir avec la polémique née l'an dernier suite au décès d'une patiente à l'hôpital de Zurich. «Un pur hasard», assure la compagnie. «La transplantation est encore une opération extraordinaire; parallèlement, le speedflirting, inédit il y a quelques années, devient monnaie courante. Deux façons d'aborder le rapport au cœur de notre société», explique Stefan Kaegi. La compagnie a fait ses débuts en 1999. Elle réunit trois diplômés en théâtre de l'Université de Giessen, aujourd'hui trentenaires: Stefan Kaegi, Daniel Wetzel et Helgard Haug.
Lors de leurs retrouvailles, ils associent aux concepts théoriques une expérimentation
scénique. Et surtout une observation pointue de la société. D'où l'appellation «Protokoll». Les trois créateurs insistent: on s'inspire du réel, on joue avec des amateurs – experts dans leur domaine – mais cela s'accompagne d'un travail dramaturgique. Le doute reste sous-jacent: où se cache l'illusion? Où s'arrête le
témoignage? Pour ce travail sur le cœur, la compagnie a notamment ouvert la scène à une cardiologue, une patiente, un organisateur de soirées de flirt et à une jeune femme d'origine russe organisatrice de voyages
dans son pays d'origine pour les hommes désireux de rencontrer l'âme sœur.
Sabena sur scène
En fait, on s'interroge sur ce que peut encore être le théâtre. En 2004, pour Sabenation, le groupe avait
plongé dans la faillite de la compagnie aérienne Sabena avec sept employés livrés sur scène à leur crash.
Venus confronter le public à leur histoire individuelle. Le trio ajoute: «Notre travail repose sur une recherche
documentaire et la rencontre de témoins. Il y a une construction esthétique autour de tout ce qu'ils peuvent
livrer d'eux-mêmes.» En 2002, ils avaient invité 200 électeurs de Bonn à participer aux débats du parlement
à Berlin. Ceux-ci avaient ensuite pris place dans une maquette dudit parlement pour y déclamer le discours
de politiciens.
C'est Vincent Baudriller, codirecteur d'Avignon et longtemps actif à Berlin, qui a invité Stefan Kaegi. «Le
public francophone est moins habitué à ce genre d'expérience théâtrale. On se souvient du débat qu'a
provoqué l'été dernier la programmation de Jan Fabre. Là-bas, on aime le texte», sourit le Soleurois. Déjà
très excité.
Blaiberg und Sweetheart19, Schauspielhaus de Zurich
dès le 31 mars. Renseignements:


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